Lutte contre la Corruption: Le Tchad toujours mal classé dans le dernier rapport de Transparency International

topfLe discours du Président de la république du Tchad, son Excellence Idriss Deby ITNO, à l’occasion de la célébration du 24ème anniversaire de la prise de pouvoir du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) coïncide avec la publication du rapport de l’ONG Transparancy International sur la perception de la corruption dans le monde. Ce jour, le PR s’exprimait en ces termes «En dépit des mesures prises pour assainir l’administration publique, je constate que les mauvaises pratiques notamment la corruption, les détournements des biens publics, les malversations financières et économiques persistent. Tous ces maux, toutes ces déviances doivent être combattus avec plus de rigueur et de détermination afin de répondre pleinement aux exigences du progrès économique et social de notre pays, …» Le Chef de l’Etat fait donc le difficile constat de l’inefficacité des mesures entreprises il y a des années pour juguler le phénomène de la corruption aux effets pervers sur les performances économiques du Tchad.

Selon le Rapport de Transparancy International 2014, le Tchad est toujours mal situé dans son classement, occupant le 154ème rang sur 174 soit la 9ème place parmi les pays les plus corrompus de l’échantillon sur lequel a porté l’étude. Les raisons de ces mauvaises performances sont multiples. Cependant, pour le Tchad, il apparait que le pays a réalisé de faibles performances pour ce qui est de l’amélioration de la gestion publique (transparence dans la gestion de la chose publique, redevabilité, gouvernance et lutte contre la corruption). Le pays affiche 2,4 points sur 5, bien en dessous de la moyenne africaine qui est de 3,5 points. Il est ainsi placé juste avant les pays tels que le Congo RDC, le Zimbabwe, l’Angola, le Sud-Soudan et la Somalie. Ces deux derniers pays occupent respectivement l’avant dernier et le dernier rang du classement 2014. Ce résultat corrobore celui du Country Policy and Institutional Assesment (CPIA) édition 2014 qui, est une évaluation de la gestion du secteur public par la Banque mondiale. Le CPIA classe en effet les pays en fonction des améliorations apportées dans quatre domaines, à savoir (i) gestion macroéconomique, (ii) politiques structurelles, (iii) politiques en faveur de l’inclusion sociale et (iv) gestion du secteur public et institutions.

Quels enseignements peut-on tirer de ce classement et du discours du PR? Nous en tirons principalement deux, à savoir (i) l’inadéquation des actions publiques à juguler la corruption au Tchad et (ii) la prise de conscience des coûts économiques de la corruption sur le développement du Tchad.

Les mesures entreprises jusqu’ici pour combattre la corruption sont axées sur la seule politique de la sanction. Ce qui est matérialisé par les opérations médiatisées telles que Cobra qui sont perçues par d’aucuns comme ‘‘une chasse aux sorcières» contre certaines personnalités devenues trop ambitieuses ou en indélicatesse avec le pouvoir et par d’autres comme «une case d’initiation en vue d’une promotion». La persistance de la corruption suggère donc un changement de paradigme dans la stratégie de lutte contre ce phénomène. Pour ce faire, l’économie politique améliore notre connaissance sur la conduite à tenir.

Les résultats des travaux de Klitgraad et Johson sur les Etats-Unis dans les années 70 et 80 fournissent des stratégies de lutte contre la corruption selon que le pays a un faible niveau de corruption ou une corruption généralisée.

Klitgraad (60-80) constate que la différence de corruption résulte de: (i) la probabilité de sanction contre les acteurs fonctionnaires impliqués dans la corruption; (ii) écart de salaires entre les travailleurs (privé comme public); (iii) le niveau de chômage et le (iv) niveau des dépenses publiques. A la lumière de ce constat, l’auteur propose des éléments de réponse pour juguler la corruption, à savoir: (i) fixer et respecter les critères de sélection des agents publics, (ii) mettre en place un mécanisme d’incitations; (iii) inverser la charge de la preuve, c’est-à-dire donner la latitude à chaque accusé d’apporter la preuve de son innocence; (iv) restructurer la relation principal/agent dans le but de réduire le pouvoir discrétionnaire d’un seul agent et (v) agir sur les mentalités et habitudes générales vis-à-vis de la corruption aux fins d’accroître le coût moral de la corruption.

Dans le cas d’une corruption généralisée, c’est-à-dire lorsque qu’elle devient un équilibre, Johnson propose la mise en place des contre-pouvoirs (Société civile).

Ce corpus théorique donne des éléments sur lesquels les autorités du Tchad peuvent agir pour combattre efficacement ce phénomène qui gangrène notre société. Il fait apparaitre aussi que la seule politique basée sur les sanctions affligées aux agents aux comportements peu orthodoxes n’est pas suffisante. Enfin, la crédibilité du discours public susceptible d’être impulsée par le comportement exemplaire au sommet de l’Etat est un atout majeur dans ce combat.

En ce qui concerne les coûts économiques de la corruption nul n’a besoin de rappeler qu’elle est source d’inefficacité économique et accroît les coûts de transaction, nuisibles à l’activité économique. Un exemple d’inefficacité économique est la réalisation d’une infrastructure qui ne répond pas aux normes du fait qu’une partie du budget est transformée en pot de vin pour gagner le marché. La mauvaise gestion des ressources (physique et humaine), résultant de la corruption, engendre des coûts importants pour l’économie. Une tentative d’évaluation quantitative de ces coûts pourrait éveiller les consciences des populations et dirigeants. A vos plumes les potentiels amateurs!

Guy Dabi GAB-LEYBA et Aristide MABALI

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