Finances publiques tchadiennes: effets de la baisse du cours du baril et de la lutte contre Boko Haram

Source : Reuters / DGEC
Source : Reuters / DGEC

Nous avions souligné dans nos précédents numéros, les effets négatifs sur les finances publiques et pour la population des attaques terroristes de la nébuleuse Boko Haram. Nous analyserons ici les effets conjoints de la baisse du cours du baril du pétrole et de la lutte contre Boko Haram sur les finances publiques tchadiennes.

Les prix du pétrole ont baissé de plus de 55% depuis septembre 2014 pour s’établir actuellement à 51,33 dollars en date du 09 avril 2015, un niveau jamais atteint depuis 2009. Cette baisse s’explique par des facteurs liés à l’offre et à la demande. L’offre de pétrole est supérieure à la demande et n’a pas été compensée par des baisses de la production de la principale organisation des pays producteurs-OPEP tandis que la demande de pétrole des grands pays d’Asie s’affaiblisse. A cette offre s’ajoute l’offre du pétrole de schiste produit en grande partie en Amérique du nord et qui est un substitut du pétrole et dont le prix est plus compétitif à ce niveau.

Au Tchad, particulièrement, la production du pétrole n’a cessé de baisser ces dernières années. Elle était estimée à environ 36,5 millions de barils en 2013. Cette baisse considérable s’explique non seulement par la diminution naturelle du taux de production dans les gisements à maturité mais aussi par d’autres facteurs, essentiellement techniques et temporaires. Les recettes budgétaires pétrolières ont par conséquent régressé d’environ 7,7 pour cent du PIB non pétrolier et ont provoqué un important déficit budgétaire global (6,4 pour cent du PIB non pétrolier).

La découverte et l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole en 2014 ont permis de rehausser le niveau de production car elle est estimée à plus de 50 millions de barils.

Toutefois, l’économie tchadienne est fortement dépendante du pétrole. Le pétrole représente plus de 80% des exportations totales et plus de 60% des recettes publiques. Cette forte dépendance des finances publiques et de l’économie aux recettes pétrolières rend les perspectives très sensibles aux chocs sur le prix du pétrole. En effet, la baisse de plus de 50% des cours du Brent a un impact considérable sur les finances publiques tchadiennes. A ce jour, il est difficile de déterminer avec exactitude l’ampleur qu’aura cette conjoncture sur la baisse des recettes publiques. Nous pouvons cependant poser quelques hypothèses. A supposer que, malgré la hausse de la production de pétrole, les recettes pétrolières baissent de 30% toutes choses égales par ailleurs. Si le pétrole représente par exemple 65% des recettes de l’Etat, alors, une baisse de 30% des recettes pétrolières impactera les recettes publiques de 19,5% de moins.

L’effondrement des prix du pétrole devrait entraîner donc une baisse des recettes publiques et une détérioration sensible du solde budgétaire et des soldes extérieurs. En effet, les prix d’équilibre budgétaire au Tchad, c’est-à-dire, le prix du baril qui permet au pays exportateur d’équilibrer son budget est estimé à plus de 70 dollars le baril. En deca de ce prix, le déficit budgétaire sera persistant. L’ampleur de la détérioration du solde budgétaire devrait être atténuée si et seulement si le pays disposait de réserves ou de capacité d’emprunt considérable et devra donc s’adapter plus rapidement, avec des conséquences négatives pour la croissance économique. En effet, des contraintes vont vraisemblablement peser sur les dépenses publiques pendant plusieurs années. Cela signifie que l’actuel modèle de croissance fondé sur la hausse de la production pétrolière et du gonflement des cours du pétrole et des dépenses publiques ne fonctionnera plus. Le pays devra plutôt diversifier davantage son économie et permettre au secteur privé de se transformer en moteur durable de croissance et de création d’emplois.

Nous avons jusque-là, limité notre analyse sur la baisse du cours du pétrole et de son impact sur les finances publiques, qu’en est-il de celui de la lutte contre Boko Haram? Nous ne reviendrons pas sur les effets des attaques terroristes sur l’économie tchadienne car elle a déjà été soulignée dans nos précédents numéros. Toutefois, l’envoi des troupes militaires tchadiennes hors du pays pour combattre la nébuleuse Boko Haram pèse sur les finances publiques. L’hebdomadaire «Jeune Afrique» en citant des sources tchadiennes donne une estimation de plus de 7 millions d’euros par mois soit plus de 4 milliards de FCFA. De plus, les attaques terroristes au Nigeria et au Cameroun ont un impact sur le niveau des exportations et des importations du Tchad car, c’est par ces pays que transitent majoritairement les produits du commerce international du Tchad. Nous savons que les exportations sont sources de devises pour le pays et les importations sources de recettes publiques. Leur baisse impacte le niveau des recettes publiques. Nous pouvons dire pour finir, malgré son impact négatif sur l’économie tchadienne et les finances publiques, la conjoncture actuelle est un vrai cas d’école qui servira pour les orientations des nouvelles politiques économiques à venir.

César BAIRA DERING

2 Commentaires

  1. Merci à l’équipe de CROSET, vous faites vraiment des bonnes analyses économiques avec des mots aussi simple et comprehensible même pour un profane. ça nous encourage, nous qui aspirons devenir de futurs economistes. cordialement!

  2. César BAIRA DERING, Merci beaucoup pour votre analyse tres pertinentes. Permettez moi de vous poser une question dont je n’arrive pas trouver des reponses. Selon vos sources, l’equilibre budgetaire situe a un prix de 70 $/baril , cela permettrai a la finance publique d’assurer une situation saine. Sachant que nous avons sur les marchés financiers (Londre, Paris, New York, Chicago), depuis plus d’une decennie des années, une panoplie d’instrument financier derivés pouvant couvrir se prix, et donc nous assurer en cas de chute de prix petrole, les 70$ minimum pour equilibre nos Recette&depense. Donc pourquoi les autorité tchadiennes n’ont pas prix se mesures preventives, pourquoi elles n’ont pas conclu un contrat avec les firmes-petrolifere pour un prix minimum pour les ventes de nos barils? l’Algerie a traversé dans les années 90 la meme situation que nous, aujourd’hui elle subi moins le choc de prix de pretrole

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