Interview du Ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs du Tchad

Tchad Eco : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs Monsieur le Ministre ?

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Le Ministre de la jeunesse , des sports et des loisirs, M. BETEL MIAROM

Ministre : Je m’appelle BETEL MIAROM. Je suis un journaliste de formation. J’ai commencé à la radio nationale et pour ceux qui s’en souviennent encore, j’étais l’animateur de l’émission « A cœur ouvert » qui mettait en exergue l’histoire de notre pays à travers les témoignages de Tchadiens. Après cela, j’ai été appelé à la Présidence de la République pour travailler aux côtés de SEM le Président de la République, à la Direction Générale de la Communication. D’abord comme chef de service Presse, puis comme Directeur de la Production. En mai 2014, le Chef de l’Etat m’a fait, une nouvelle fois confiance, en me nommant à la tête de la Télévision Nationale. Depuis août 2015, j’ai fait mon entrée au Gouvernement, en tant que ministre en charge de la jeunesse et des sports, et depuis le 14 août, le volet Loisirs m’a été confié. Je suis marié et père de trois enfants.

Tchad Eco : Pourriez-vous présenter votre département ministériel à nos lecteurs ?

Ministre : Le Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs est une structure gouvernementale ayant pour missions de concevoir, mettre en œuvre et suivre la politique du Gouvernement en matière de jeunesse, des sports et des loisirs. Nous disposons de deux institutions sous-tutelle, à savoir l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) et l’Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES).

Tchad Eco : Pourriez-vous nous donner une vue synoptique des programmes publics en faveur des jeunes au Tchad ?

Le Ministre : L’action de mon département a pour socle la jeunesse. Le Tchad est un pays jeune. Et aujourd’hui, tous les projets et programmes placent les jeunes au cœur de leurs activités. Le Ministère mène différentes actions :

Nous avons, tout d’abord, le développement des compétences nationales : ce volet est soutenu par l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) qui a déjà mis sur le marché de l’emploi près de 1.000 cadres formés pour les cinq dernières années ; l’ex-Fonds National d’Appui à la Jeunesse (FONAJ) qui a formé en entrepreneuriat 6.650 jeunes tchadiens.

Le volet sport qui concerne la promotion du sport de haut niveau, du sport féminin, du sport de masse, de l’handisport et de l’EPS. A ce niveau, nous saluons notre partenariat avec le Comité Olympique et Sportif Tchadien (COST) qui permet des formations et des stages de perfection des jeunes encadreurs sportifs.

Le volet jeunesse où un accent particulier est mis sur la vie associative en milieu jeune. Je voudrais m’arrêter un moment pour relever la mise en place du Programme National de Volontariat des Jeunes tchadiens (PNVT). C’est un projet de mobilisation des jeunes âgés entre 18 et 30 ans, qu’ils soient diplômés ou non. Il s’agit d’un engagement de jeunes filles et garçons, décidés à accomplir des missions d’intérêt général qui seront rémunérés, dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé, l’environnement ou encore la décentralisation. Ces missions durent généralement 12 mois. Le PNVT répond à un double enjeu : permettre aux jeunes volontaires de renforcer leur employabilité et développer leur citoyenneté ; mobiliser de l’énergie, du temps et des compétences pour résoudre les problèmes des communautés.

Le volet entrepreneuriat, auto-emploi et insertion socioprofessionnelle est le plus intéressant car il concerne le financement des projets des jeunes. A l’heure actuelle, 775 sont financés à nos jours à hauteur de près de 800 millions de nos francs. 1449 emplois ont été créés. La sensibilisation des jeunes se poursuit dans tout le pays et un travail de suivi-accompagnement des entreprises des jeunes est fait. Le ministère, par le biais du FONAJ, a aidé les jeunes à monter eux-mêmes leurs plans d’affaires.

Le programme de promotion de la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes : il s’inscrit en droite ligne de la mise en œuvre de la loi 006 portant promotion de la santé de reproduction des adolescents et l’ordonnance portant interdiction du mariage des enfants. Ce volet vise à sensibiliser les jeunes, à assurer un meilleur suivi, à les accompagner et à répondre à toutes leurs préoccupations sur des questions liées à leur santé sexuelle et reproductive, notamment les IST/VIH/SIDA, les mutilations génitales féminines, les mariages et grossesses précoces etc. Ce sont de véritables freins au plein épanouissement des jeunes.

Tchad Eco : Quels sont les défis liés à l’efficacité des programmes publics en faveur des jeunes ? Et que fait votre département ministériel pour relever ces défis ?

Le Ministre : Tout œuvre humaine n’est pas parfaite. Il y a toujours des écueils qui viennent annihiler en quelque sorte nos efforts. Et il va sans dire que les défis sont aussi nombreux que diversifiés. Ils concernent l’insuffisance des ressources humaines, la raréfaction des ressources financières, les freins au développement du sport tchadien, le chômage qui touche plus de 30 % des jeunes en âge de travailler. Pour faire face à ces défis, le Ministère est à pied d’œuvre pour faire arrimer l’INJS au système LMD : des formations doctorales sont en cours pour renforcer le dispositif professoral, des séminaires sont organisés pour asseoir les syllabus. Nous plaidons aussi pour la construction d’un site adapté et répondant aux normes exigées. L’autre réforme est cette fusion des trois dispositifs d’appui à la jeunesse (FONAJ, FNDS, ONASPORTS) par l’ordonnance 005/PR/2016. L’Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES) aura donc plus d’énergie et d’efficacité pour répondre aux problèmes des jeunes.

Tchad Eco : L’entreprenariat jeune est identifié comme un incubateur de croissance en raison de ses effets sur l’emploi, l’autonomisation économique et financière des jeunes et la fiscalité. Que fait votre ministère pour encourager les jeunes à entreprendre ?

Le Ministre : Nos actions en faveur de l’entrepreneuriat jeunesse concernent la sensibilisation à la culture entrepreneuriale en milieu jeune, la formation des jeunes dans ce domaine, le financement des projets porteurs par nos dispositifs et le suivi-accompagnement par nos techniciens sur le terrain.

Tchad Eco : Plusieurs rapports d’études ont admis qu’une grande partie du chômage des jeunes diplômés résulte de l’inadéquation entre offre de formation professionnelle et demande sur le marché de l’emploi. Que fait votre département ministériel pour répondre à ce problème ?

Le ministre : Ce que vous dites est vrai. Le problème de l’inadéquation entre la formation et l’emploi est général. Comme je vous le disais, nous formons également des jeunes cadres tchadiens à l’INJS et c’est une question qui a fait l’objet de moult réflexions. Toute formation doit pouvoir répondre à un besoin. L’une des solutions consiste à combler l’écart, en donnant la chance aux jeunes de se reconvertir ou de développer un métier porteur, en lien avec leur cursus, pour leur permettre de s’installer à leur propre compte. Le document de la Politique Nationale de la Jeunesse prévoit des systèmes d’incubation, des formations en alternance, la mise en place de plateformes en vue de permettre à l’apprenant de joindre la théorie à la pratique tout au long de son parcours. Ceci offre la possibilité de multiplier les chances pour leur employabilité.

Tchad Eco : Le rôle de la femme a été identifié comme essentiel dans le processus de développement des nations. Les programmes publics en faveur des jeunes intègrent-ils la question du genre ? Si oui, de quelle manière ?

Le Ministre : La promotion féminine est une priorité pour le Chef de l’Etat. Et ce n’est pas une vue de l’esprit. Au niveau du ministère en charge de la jeunesse, nous soutenons la politique genre et nous garantissons même aux jeunes filles et garçons la même chance de se réaliser. Afin de corriger les erreurs du passé, une direction des sports féminins a même été créée. Les projets féminins sont fortement encouragés dans le cadre de nos financements. L’accès à l’INJS ne pose aucun problème aux filles. Les intégrations qui se font par promotion et dans le respect du mérite de chacun ne perdent pas de vue cet aspect.

Tchad Eco : Quels sont les défis majeurs qui pourraient être définis comme la priorité des priorités du ministère dont vous avez la charge ? Et comment comptez-vous relever ces défis ?

Le Ministre : Je pourrais vous dire que tout est prioritaire chez nous car en investissant sur les jeunes, on prépare l’avenir. Cependant, nous pouvons dire qu’il est important, à nos yeux, que notre jeunesse reste soudée unie et engagée pour éviter à notre pays de basculer dans l’extrémisme violent. Tous les mouvements et organisations de jeunesse doivent être impliqués dans cette action de conscientisation et d’éducation citoyenne, et c’est le message que nous délivrons régulièrement. Il faut aujourd’hui permettre à chaque jeune d’exercer un emploi, quel que soit le secteur, afin qu’il se mette au service de sa famille et de son pays. Nous développons l’auto-emploi et pensons que c’est l’une des solutions à cette crise que nous visons. Notre sport a les potentialités nécessaires pour faire parler de lui. Mais il y a un problème qui nous empêche de décoller. Les états-généraux des sports que nous entendons organiser vont nous permettre de faire le point et nous souhaitons que les résolutions nous amènent à repartir sur de nouvelles bases, grâce à l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique nationale des sports. Notre objectif est de hisser haut le sport tchadien, en développant le sport à la base et en construisant des infrastructures sportives. Sur le plan de la formation, il nous faut arrimer l’INJS au système LMD en vue de résoudre ce sempiternel problème d’insuffisance de ressources de haut niveau pour l’encadrement de notre jeunesse. Nous travaillons d’arrache-pied aussi pour accélérer la mise en œuvre du Programme National de Volontariat pour, d’un côté, favoriser l’employabilité des jeunes, et de l’autre, susciter et renforcer leur engagement citoyen. Les plans et projet quinquennaux sont élaborés. Nous recherchons les financements additionnels. Et enfin, notre document portant Politique Nationale de la jeunesse se doit d’être validé par les forces vives de la nation, après sa validation technique intervenue en juillet dernier. C’est une feuille de route stratégique et nationale qui permet d’une part, de mettre en œuvre des actions, projets et programmes tous azimuts pour répondre aux multiples besoins, attentes et aspirations des jeunes dans leur diversité et d’autre part, de mobiliser autant de partenaires pour agir plus conséquemment et plus stratégiquement en faveur du mieux-être des jeunes.

Tchad Eco : Quels commentaires faites-vous par rapport au contrat réel ou supposé entre le Tchad et le club de football français FC Metz ?

Le Ministre : Voilà un sujet qui a déchainé tant de passions. Beaucoup d’internautes, des journaux et même un illustre député ont écrit, sans jamais montrer les preuves des graves accusations portées contre nous. Tantôt, ils parlent de 3 milliards, tantôt de 8 milliards de francs donnés au FC Metz. Il y a deux jours, quelques personnes ont avancé 9 milliards et aujourd’hui, c’est 12 milliards que le Tchad aurait versé à cette équipe. Je ne comprends pas cette agitation doublée de manipulation de l’opinion publique. Je mets quiconque au défi de montrer aux Tchadiens un Ordre de Virement ou un contrat dûment signé par un membre du Gouvernement et le Président du FC Metz. Cette action de communication- c’est ainsi que je l’appelle- a été menée par le groupe LC2 qui entend désormais s’installer au Tchad et qui souhaite mettre son expérience et expertise au service de notre pays. Cette action a plusieurs volets : sur le plan du tourisme, renforcer l’image du Tchad, via le football, et amener les touristes à découvrir le Tchad ; sur le plan de la communication, renforcer les capacités des jeunes tchadiens par la chaine de TV LC2 qui est l’une des toutes premières tv privées ; dans le domaine des sports, enfin, nous aider à mieux nous organiser. Personnellement, j’ai discuté avec le Président du FC Metz sur l’appui dont on pouvait bénéficier. Le Tchad va pouvoir bénéficier de l’expérience du FC Metz, au niveau du football à la base, grâce à son centre de formation « Génération foot » au Sénégal. Nos jeunes auront la possibilité d’intégrer le FC Metz ou d’autres équipes, ainsi que les professionnels tchadiens pourront aussi frapper aux portes du FC Metz. Nos encadreurs techniques pourront se rendre sur place pour mieux s’imprégner des réalités professionnelles. Voilà ce sur quoi nous avons échangé avec les responsables messins. Ce qui est très loin des idées farfelues avancées par les uns et les autres.

Interview réalisée par Jareth BEAIN

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