Pays enclavé de l’Afrique Centrale, le Tchad a traversé une longue période tumultueuse après son ascension à l’indépendance le 11 Août 1960 qui a eu un impact indéniable sur son processus de développement. Les indicateurs socioéconomiques se sont donc significativement dégradés jusqu’au début de l’exploitation pétrolière où les tchadiens se mirent à rêver d’un lendemain radieux. De 1963 à 1974, la croissance moyenne de la production par habitant s’est située autour de 3% (FMI, 2007) avant de subir un recul en moyenne de 5% entre 1975 et 1982. De 1983 à 1990, le PIB par habitant a progressé de 4,2% pour ensuite connaitre une stagnation à 0,44% en moyenne par an de 1990 à 1999. Les années 2000 ont été marquées par l’entrée du Tchad dans le cercle des pays producteurs de pétrole. On notera alors une progression moyenne annuelle du PIB/tête de 8,9%. Le taux de croissance annuel du PIB a atteint son pic de 33% en 2004 pour retomber à son bas niveau de -3% en 2016 à cause de la crise économique que le pays traverse jusqu’à maintenant.
Tirant leçon des échecs du Plan d’Ajustement Structurelle (PAS) des années 80, le Tchad a tenté d’élaborer ses propres plans nationaux de développement (PND). De 2003 à 2015, le pays a élaboré et mis en œuvre deux générations de Stratégies Nationales de Réduction de la Pauvreté (SNRP 1 et 2) et un PND. La première génération de SNRP couvre la période de 2003 à 2007 avec un coût global de 886,8 milliard de FCFA (rapport de suivi SNRP et PND). La seconde génération couvre la période de 2008 à 2011 avec un coût global de 3,1 milliards de FCFA. Le PND quant à lui, couvre la période de 2013 – 2015 présentant un coût global de 2 052 milliards de FCFA. Il faut noter qu’un coût global de 2 942 milliards de FCFA a été consenti à ces différentes stratégies de développement de la période de 2003 à 2015. Quelles ont été alors les résultats ?
L’évaluation de ces trois stratégies de développement a montré quelques progrès dans les domaines de l’éducation, santé, infrastructures de transport et de communication, accès à l’eau potable, etc. Cependant, malgré ces progrès notables, des efforts sont nécessaires pour améliorer les indicateurs socioéconomiques et de gouvernance peu reluisants. Le Tchad est classé en 2016, 186ème pays sur 188 au rang mondial de l’Indice du Développement Humain (IDH) du PNUD, 183ème sur 189 pays selon l’indice Doing Business de la Banque Mondiale, 136ème sur 138 pays au classement de la compétitivité mondiale des entreprises du Forum Economique Mondial, 159ème sur 176 pays de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, et 51ème sur 54 pays au rang africain de l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance.
Conscient de ces résultats, le Gouvernement a décidé de repousser le deadline de son émergence initialement prévue pour 2025 à 2030. Incapacité ou stratégie ? Stratégie pourrait être la réponse car le pays a élaboré son document de « Vision 2030, le Tchad que nous voulons » traduisant l’aspiration des populations tchadiennes à l’émergence d’ici 2030. Afin de matérialiser cette Vison, trois PND doivent l’accompagner (PND 2017-2021, PND 2022-2026 et PND 2027-2030). Le premier PND 2017-2021 a été élaboré en 2017 avec l’objectif de jeter les bases de l’émergence en 2021.
Il est important de noter que les actions prioritaires du PND 2017-2021 formulées en termes de projets sont au nombre de 305 et sont réparties en 157 projets de l’Etat, 135 projets des privés et 13 projets issus du Partenariat Public-Privés (PPP). Les projets de l’Etat et ceux issus du PPP sont répartis sur l’ensemble du territoire selon les besoins exprimés par les populations touchant les domaines de la santé, de l’éducation, de l’hydraulique, des infrastructures, de l’agriculture, de l’élevage, etc.
Le coût global du PND 2017-2021 est évalué à 5,5 milliards de FCFA. Son financement est assuré par plusieurs sources. D’après le cadrage macroéconomique, il ressort un gap de 3 710,8 milliards FCFA à rechercher auprès de la communauté des bailleurs, soit 38% du coût global. Ce qui a conduit le pays à organiser une Table Ronde à Paris du 06 au 08 Septembre 2017 dernier où les partenaires du Tchad ont annoncé leur intention de financer le PND à hauteur de 20 milliards de dollars soit environ 10 600 milliards de FCFA, dépassant très largement de plus de 100% la cible fixée par le gouvernement. Ce qui a conduit le Président de la République, Idriss Deby Itno, présent à Paris, à déclarer, « Je suis venu les poches vides et je repars les poches pleines ».
Que pense le commun de mortel de ce méli-mélo ? Les interrogations du tchadien lambda sur le PND peuvent être résumées en trois points. En effet, un premier groupe, constitué de la société civile et de la « société civique », qualifie le PND de « Plan National de Détournement ». Cette appellation fait référence à la mauvaise gouvernance, source de gabegie financière au Tchad. La gestion des ressources pétrolières en serait une parfaite illustration. Un deuxième groupe, constitué de partisans inconditionnels et d’optimistes, pensent que le PND conduirait sûrement le Tchad à la sortie de crise et à l’atteinte de l’émergence. Enfin, un troisième groupe pense que le mécanisme de suivi-évaluation du PND acté par le Décret N°1725/PR/PM/MEPD/2017 portant mise en place d’un Dispositif Institutionnel National de Suivi et d’évaluation de la Mise en Œuvre du PND 2017-2021 permettrait d’atteindre les objectifs du PND. Pour ce dernier groupe, ce dispositif témoigne de la bonne volonté du gouvernement à assurer une bonne gestion et un bon suivi des projets en vue d’atteindre les objectifs du gouvernement de manière efficace et efficiente. Seule l’année 2021 nous dira qui a raison. Wait and see !!! Une chose est sûre l’atteinte effective de l’émergence en 2030 serait sans doute une fierté pour tous les Tchadiens sans exception.
En vue d’informer les citoyens tchadiens du mécanisme de fonctionnement du PND 2017-2021, votre Revue Economique « Tchad Eco » a dédié ce numéro spécial au PND. Pour ce faire, elle s’est rapprochée des principales parties prenantes (Ministère de l’Economie et de la Planification du Développement, partenaires et société civile). Aussi, des analyses du PND couvrant tous ses aspects ont été proposées par l’équipe du CROSET.
A noter enfin que, les différentes interviews ont été réalisées avant le dernier remaniement du gouvernement.
Nous espérons que ce numéro aiderait sans nul doute l’ensemble des populations tchadiennes à mieux cerner les différents contours du PND. Nous souhaitons une bonne lecture à toutes et à tous.
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