Comment la rente pétrolière peut-elle contribuer à la soutenabilité de l’économie tchadienne ?

Place de la nation à N'Djamena

Il y a de cela 12 ans, que les premiers barils du pétrole tchadien ont franchi le seuil du marché international, lorsque l’oléoduc de 1 070 km reliant le bassin de Doba au terminal pétrolier off-shore de Kribi, a été rendu opérationnel, permettant ainsi une toute première commercialisation du brut tchadien en novembre 2003.

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Plusieurs million de barils de pétrole ont été déjà exportés et vendus sur le marché international jusqu’ici, et il va sans dire que le trésor public tchadien a eu à encaisser le sésame de ses revenus fiscaux. Sans toutefois chercher à appréhender point par point les données chiffrées des recettes issues des revenus du pétrole versées à l’Etat tchadien jusqu’alors, il est plutôt idoine et délicat de soulever la question relative aux possibilités d’orientation de la rente pétrolière vers des projets d’investissements conséquents, afin que le jardin de la soutenabilité de l’économie tchadienne puisse être plus ou moins arrosé par cette rente et ce compte tenu des retombées immédiates ou à long terme de ces investissements. Cela n’est une information pour personne quand nous savons tous que les réserves du brut tchadien sont estimées à 900 million de barils, exportables sur une échelle de 25 ans, sans compter les réserves non exploitées, telles que celles du bassin de Sédigui au Lac-Tchad et autres.

Aujourd’hui, ce qui préoccupe le plus un grand nombre des tchadiens, c’est la question de l’allocation des revenus engrangés par le Tchad dans des projets d’investissement à forte potentialité économique afin d’asseoir les bases d’une économie saine et durable. Il serait en effet ambigu de dire qu’il faut par exemple financer les projets de construction d’infrastructures éducatives et sanitaires ou des usines de transformation des matières premières, grâce à la rente pétrolière sans toutefois tacher de donner des pistes réalistes sur le comment financer et quelles sont les priorités à cibler, ou qu’est ce qui doit précéder l’un ou l’autre ? Nous sommes plus que jamais convaincus que la soutenabilité de l’économie d’un pays comme le Tchad, dépend aussi beaucoup plus de la valorisation objective du capital humain. Ce faisant, il est fructueux de redynamiser le capital humain grâce au financement des programmes de formation Professionnelle et Universitaire efficients et efficaces, mais aussi, grâce au design d’un système de santé inclusif et organisé pouvant contribuer à redorer le blason de la santé, donc de la vigueur et de l’endurance aux tchadiens dans leur ensemble, et surtout, redonner une force vitale à la jeunesse tchadienne. Il s’agit ici de financer et d’adapter les formations Professionnelle et Universitaire aux besoins de la demande de l’économie nationale pour répondre à la nécessaire industrialisation du pays.

L’industrialisation, dans ses diverses ramifications, reste le chemin royal de l’investissement productif à long terme des revenus pétroliers d’un pays.

L’exemple de réussite de la soutenabilité de l’économie de l’Arabie Saoudite qui a pu intelligemment et systématiquement injecter les revenus issus de ses réserves pétrolières dans l’industrialisation vient illustrer l’importance d’une telle approche d’investissement. Grace aux revenus pétroliers, l’économie Saoudienne fut en effet extraordinairement boostée parce que le royaume a su comment peindre la magnificence de sa politique d’industrialisation qui fut conçue, planifiée et mise en œuvre de façon systématique par les têtes pensantes de ce pays de cocagne bordant le golfe persique.

S’agissant des infrastructures, qu’elles soient routières ou immobilières, c’est une lapalissade de dire qu’elles jouent un rôle aussi important que le capital humain dans le processus de développement d’un pays et ce ne suivant le modèle de croissance endogène. En effet, le développement du commerce par exemple, passe inévitablement par les qualités des services de transport terrestre, donc par l’excellence des voies asphaltées rendues praticables aux fins de permettre la libre circulation des biens et services. Cela reste donc une nécessité absolue de pouvoir injecter une portion des revenus pétroliers dans les infrastructures routières. Après tout, il est d’une vérité certaine que depuis le premier son de l’horloge de l’exportation du brut tchadien, les ressources pétrolières ont toujours représenté une part importante dans le budget annuel de l’Etat (plus de 70% en 2013), nonobstant les flux et reflux du prix de barils causés par les conjonctures du marché international qui ont changé parfois la donne budgétaire tchadienne. Preuve que la diversification de financement des projets moteurs de production à moyen et long terme reste une piste salutaire pouvant mener le Tchad vers une plus large soutenabilité de son économie qui elle, est jusqu’ici beaucoup plus tributaire des recettes pétrolières.

Dans les domaines de l’Agriculture et de l’Elevage, il est capital de revaloriser ces secteurs qui constituaient la mamelle de l’économie tchadienne. A lire de plus près ce qui s’est passé et ce qui continue de prendre de l’ampleur dans ce pays, il n’est pas présomptueux de dire que le pétrole a été, et continue d’être une diversion tendant à obérer l’économie nationale, puisqu’il est appréhendé comme une fin en soi, et non une richesse à redistribuer avec plus de prudence et de l’intelligence. Plus, les barils accouchent de faramineux revenus, moins, l’attention est accordée à un secteur vital comme celui de l’Agriculture, moins encore, au secteur de l’Elevage. S’agissant de l’Agriculture tchadienne, plusieurs paramètres préliminaires sont à minutieusement considérer de sorte que l’on ne succombe pas du coup à la fatale erreur de penser que l’achat des Tracteurs par exemple, est une panacée totale au problème que pose l’Agriculture tchadienne. Il faut tacher de voir les réalités de ce secteur en face depuis les différentes méthodes culturales, jusqu’à la stratigraphie sociologique des populations rurales avant de faire sortir un Plan d’Etude de Faisabilité objectif et assez crédible quant à la mise en œuvre d’une politique agricole solide qui puisse permettre à l’industrie agroalimentaire tchadienne d’aller plus librement et efficacement vers une productivité élevée. De même que l’Agriculture, l’Elevage reste le maillon fort de l’économie tchadienne et ce dernier ne demande qu’une bonne attention pour que le pays puisse y tirer son compte. Il faut bien que le budget alloué au Ministère de l’élevage prenne en compte une large possibilité d’investissement dans la restructuration de vrais et crédibles Laboratoires d’abattage des animaux sur place ici au Tchad afin d’éviter le spectre de la vente sur pied du bétail tchadien. Une telle approche contribuera non seulement à amoindrir le prix du kilogramme de viande consommable sur le marché tchadien, mais aussi et surtout, beaucoup plus significativement dans l’approvisionnement en peau et sabots des usines de cuirs et de boutonneries de création tchadienne qui en principe, devraient être déjà un acquis.

Au demeurant, notre analyse a été largement axée sur les possibilités d’investissement de la rente pétrolière afin que le jardin de la soutenabilité de l’économie tchadienne puisse être arrosé pour qu’en fin de compte, la croissance de l’économie nationale puisse être durable et inclusive. Mais il est cependant impérieux de préciser que de bonnes politiques d’investissement ne peuvent voir le jour sans l’observance tous azimut des marges de la bonne gouvernance. Ainsi, il faut assainir les finances publiques, renforcer les capacités des organes de contrôle des dépenses publiques de l’Etat, aller impérativement en guerre contre les pratiques corruptives et népotistes qui demeurent les véritables cancers qui rongent les os des tchadiens dans leur ensemble et enfin, veiller à l’applicabilité sans condition des lois de finance et ordonnances pour qu’il y est une bonne traduction de ces politiques d’investissement dans les faits.

Mbaihilameen Cephas

2 Commentaires

  1. Bonjour ,
    Je viens de découvrir votre site que je trouve en mon sens très riche d’information .
    Je suis un jeune entrepreneur Tchadien , et j’étais toujours en manque d’information sur les indicateurs économiques de ce pays.
    Je trouve que vos articles de part leur pertinence , donnent aussi des idées et également de l’orientation pour une bonne politique économique .
    Je vous félicite , et vous encourage pour tout ce travail .
    Bonnes journée
    Eric D

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