La gestion contractuelle des ressources naturelles : le cas du pétrole

Station de pompage sur le champs pétrolier de Badila au sud du Tchad exploité par Glencore

L’utilité des minerais ne date pas d’hier pourtant depuis les périodes antiques jusqu’à nos jours les conditions liées à leur extraction n’ont jamais fait l’unanimité. Bien que dominée par les aspects juridiques et économiques, l’exploitation minière présente un caractère transversal qui ne facilite pas sa maitrise malgré une demande croissante tout au long de l’histoire contemporaine. De l’utilisation artisanale pour les besoins du quotidien à l’exploitation industrielle pour les nécessités de développement, la question de leurs gains et avantages ont profondément bouleversé les sociétés humaines.

Station de pompage sur le champs pétrolier de Badila au sud du Tchad exploité par Glencore
Station de pompage sur le champs pétrolier de Badila au sud du Tchad exploité par Glencore

Dans la littérature économique, les ressources minières sont considérées comme les facteurs qui donnent les avantages absolus ou les avantages comparatifs de certains pays dans les échanges internationaux. Pourtant il est à remarquer que les Etats qui les possèdent n’ont pas toujours tiré bénéfice de ces avantages pour la simple raison que le capital et la technologie pour les exploiter ont souvent fait défaut. Ce défaut de moyens a obligé à avoir recours aux firmes étrangères et aux emprunts sur les marchés financiers.

Pour mieux analyser l’évolution des termes d’engagements des Etats dans l’exploitation minière, nous retiendrons le cas spécifique du pétrole qui est de loin la ressource minière la plus utilisée de notre ère. Comment ont évolué les engagements des Etats face aux nécessités d’exploitation du pétrole? Une alternative est-elle possible aux conditions d’exploitation actuelle du pétrole ?

L’évolution des termes des contrats pétroliers

Globalement on peut noter que deux conditions essentielles déterminent l’exploitation d’un gisement pétrolier, l’exigence technologique et la situation domestique des finances publiques. L’exigence des conditions techniques oblige à l’utilisation d’une technologie coûteuse et l’incapacité financière oblige également aux emprunts ou à d’importantes concessions financières vis-à-vis des compagnies pétrolières. Trois périodes caractérisent les engagements des Etats dans les contrats pétroliers. La première période (1870 à 1945) est celle de la découverte des sites pétroliers et la naissance des compagnies pétrolières, la seconde (1945-1986) est caractérisée par le réveil des Etats nouvellement indépendants, dominé par une nationalisation ou une renégociation des contrats pétroliers et la dernière (1986 à nos jours) est celle de la libéralisation du marché d’exploitation pétrolière.

Les premiers contrats de concessions (1870 – 1945)

1870 marque le début des premières exploitations pétrolières qui se traduit par une intensification des compagnes d’exploration. Au cours de cette période, la situation de quasi-monopole avec la Standard Oil et les difficultés économiques obligent l’ensemble des parties à des contrats de concession. C’est le type de contrat où l’Etat transfère à titre exclusif au concessionnaire la propriété des ressources contenues dans le sous-sol et le droit de les exploiter. En contrepartie, il perçoit une redevance (royalty) et un impôt sur les bénéfices déclarés par le concessionnaire. Ce dernier assume le risque minier et en cas de découverte, exploite à sa guise le pétrole dont il est propriétaire.

Dans les faits, les contrats de concession ne bénéficient pas aux Etats de la même façon. Si dans les Etats en Amérique du Nord, la puissance financière des Etats leur permet de supporter une partie des frais d’exploitation et ainsi de majorer leurs recettes, ce n’est pas le cas dans les Etats du sud. Cette situation va durer pendant plus d’un siècle pour la simple raison que le contexte international marqué par la colonisation n’est pas favorable aux contestations. Pour mieux profiter de cette situation, les compagnies pétrolières vont s’organiser dans une sorte de cartel et contrôler les prix pour mieux maximiser la rentabilité pétrolière.

Les contrats de partage de production, de services (1945-1986)

Après 1945 et à la fin de la seconde guerre mondiale, la plupart des puissances coloniales bien que très affaiblies ont compris que le pétrole est une ressource stratégique et décident d’user de tous les moyens pour ne pas dépendre des compagnies étrangères pour leur approvisionnement. Cette volonté va s’opposer à celle des nouveaux pays indépendants qui retrouvent de la voix dans les contestations. Cette lutte pour le contrôle de la rente pétrolière va se traduire par une renégociation des contrats.

Le rapport de force aboutit à la modification des contrats de concessions. Ils vont connaitre deux changements majeurs : le principe d’équité (fiftyfifty) où les bénéfices des compagnies concessionnaires sont partagés par moitié entre l’Etat et la firme et le principe de la réversion (si un concessionnaire n’exploite pas effectivement le sous-sol, s’il ne découvre pas de pétrole, il devra rendre la concession, dans un délai court). Le contrat de partage sera privilégié par l’ensemble des Etats du sud exportateurs de pétrole. Dans ce type de contrat, les droits d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures sur une zone donnée sont octroyés par l’Etat à un titulaire qui, en cas de production commerciale, peut se rembourser de ses coûts sur une fraction de la production (Cost Oil) et se rémunère sur une partie de la restante (Profit Oil), l’autre partie revenant à l’Etat. En plus de ces revenus au titre du profit oil, l’Etat peut percevoir une redevance sur la production. Il peut être également actionnaire avec l’opérateur dans les gisements exploités.

Pendant cette même période, à côté de ces deux types d’engagements que sont la concession et le contrat de partage de production, deux autres types de contrats apparaissent. Le contrat de services qui stipule que l’entreprise publique nationale signe un contrat de prestation avec une entreprise pétrolière étrangère pour une activité portant sur l’un des aspects de la production, et le contrat d’association ou joint-venture, qui consiste à créer un consortium entre firmes étrangères et entreprise nationale pour explorer et exploiter le sous-sol. Ces deux nouveaux types de contrats sont plutôt minoritaires jusqu’à nos jours.

Libéralisation du marché pétrolier et protection de l’environnement (1986 à nos jours)

Au milieu des années 1980, le contexte international est marqué par la nationalisation des actifs des compagnies étrangères par la plupart des pays du sud. Cette augmentation de l’offre d’exportation aboutit à la création d’un marché concurrentiel. Les deux tiers de la production mondiale de pétrole y sont échangés entre des vendeurs et acheteurs indépendants, à un prix résultant de la confrontation entre offre et demande (Angelier, 2012). On constate depuis 1986 à nos jours que chaque pays a adopté de manière préférentielle l’un des quatre types de contrat.

Globalement, deux types de contrats sont majoritaires. Les pays occidentaux fort de leur puissance financière, restent fidèles à la concession. Le contrat est simple, efficace et équitable pour les deux parties lorsque l’environnement légal est moins risqué. Les pays d’Afrique et d’Asie désormais indépendants et peu à peu débarrassés des contraintes d’ajustements structurels vont préférer le contrat de partage de production. Les gouvernements des pays du sud trouvent là une occasion de récupérer une part équitable du pétrole, et parfois d’exercer une certaine maîtrise sur les plans de production.

En 1999, alors que les contrats de concession et les contrats de partage de production sont majoritairement signés, les Nations Unies sous l’impulsion des sociétés civiles vont lancer l’initiative d’une meilleure traçabilité de flux financiers et au respect de l’environnement dans l’exploitation pétrolière. Cet appel se justifie par le faible impact de l’exploitation du pétrole sur la réduction de la pauvreté dans les pays du sud et surtout à la détérioration de l’environnement causée par l’exploitation pétrolière. Force est de remarquer que cet appel est suivi de peu d’effets dans les contrats pétroliers.

Une alternative à l’exploitation pétrolière en Afrique

A la lumière de cette analyse rétrospective, nous constatons que les contrats pétroliers ont évolué dans les termes de plus en plus égalitaires. Les revenus pétroliers sont partagés progressivement au bénéfice des Etats propriétaires des ressources, pourtant cela ne doit pas être un motif de satisfaction. Comme toutes les ressources, le pétrole doit faire l’objet d’une exploitation complète par la partie nationale. Le constat établit sur cette question est qu’à part les Etats du nord tous les pays d’Asie et d’Afrique continuent à faire recours aux compagnies étrangères pour l’exploitation de l’or noir. Le pays ne pourra profiter de toute la valeur ajoutée que si l’ensemble du processus d’exploitation est assuré par les opérateurs nationaux.

  Beguy DJIMOUNOUM

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire