État de lieux sur la demande de contraception au Tchad

Utilisation des méthodes contraceptives : porte d’accès au dividende démographique

Le dividende démographique fait référence à la croissance économique potentielle, qui peut être perçue comme la résultante des changements dans la structure d’âge d’une population, suite à une baisse de natalité et de mortalité. En effet, pendant cette phase la fécondité baisse grâce au progrès dans la planification familiale tandis que la population d’âge actif augmente et la population dépendante (personnes âgées et jeunes de bas âge) diminue. Les interventions publiques dans les domaines d’éducation, de l’emploi et de la santé, notamment celle de la reproduction, sont nécessaires pour tirer profit du dividende démographique. L’étude de Jones GW et al. (1997) a révélé que de façon approximative la moitié des réductions de la fécondité enregistrée dans les pays en voie de développement entre 1960 et 1980 peut être attribuée aux efforts de planning familial.prudence_2

Au Tchad, la loi N°006/PR/2002 portant Promotion de la santé de reproduction reconnaît dans son article 4 le droit des couples et des individus au libre choix en matière d’espacement des naissances et de la taille de leur famille. Pour ce qui est des statistiques relatives à la santé de la reproduction, plusieurs enquêtes (EDS, MICS, etc.) ont été réalisées. L’analyse de la demande de contraception que nous nous proposons de faire se base essentiellement sur les résultats de ces enquêtes.

Facteurs explicatifs de la demande de contraception

Au Tchad, la demande en planification familiale est l’une des plus faibles au monde (28,6% des femmes en union dont 23,2% pour espacer les naissances et 5,4% pour limiter les naissances, EDS-MICS 2014-2015) malgré un taux de fécondité élevé (179,4 naissances pour 1000 femmes). Par ailleurs, la proportion de femmes en union ayant des besoins non satisfaits en planification familiale (les femmes qui courent un risque de tomber enceinte sans le vouloir et qui n’utilisent pas de contraception et celles qui sont enceintes sans le vouloir et celles en aménorrhée post-partum pour une période de deux ans à la suite d’une grossesse non désirée et qui n’utilisent pas de contraception) atteint 22,9% (19,1% pour l’espacement de naissance et 3,8% pour l’arrêt de naissance) contre 5,7% de demande satisfaite. Aussi, convient-il de se demander pourquoi une si faible demande en contraception.

La connaissance de la planification familiale y compris des méthodes contraceptives est un préalable à la demande de contraception. À cet effet, près de 4 hommes sur 5 et 3 femmes sur 5 sont informés des méthodes contraceptives. Les méthodes connues sont généralement modernes (pilule, injection, implant et condom masculin). Les personnes informées des méthodes contraceptives sont plus nombreuses en milieu urbain qu’en milieu rural, alors que 74,57% de la population tchadienne résident en milieu rural (ECOSIT 3). De plus, la connaissance des méthodes contraceptives est plus faible chez les personnes non instruites alors que parallèlement seules 35% des femmes de 15-24 ans sont à mesure de lire ou ont atteint au moins le niveau secondaire. Par ailleurs, les principaux canaux de sensibilisation utilisés sont la radio, la télé et les journaux, mais moins de 20% des hommes et 34% des femmes ont été informés par leurs biais, la majorité de personnes seraient informées de bouche à oreille ou dans les structures sanitaires. Toute de même, ceci amène à se questionner sur l’efficacité de ces canaux. En effet, ces canaux ne sont pas accessibles à la grande majorité des ménages (40,1% des ménages possèdent un poste radio et 7,7% la télé). De plus, la radiodiffusion ne couvre pas toute l’étendue du territoire et la lecture des journaux n’est pas ancrée dans la culture tchadienne. Par contre, la téléphonie mobile et l’internet qui connaissent une forte expansion sont des canaux à explorer.

Les sources d’approvisionnement constituent également un facteur important dans la demande de contraception. En effet, elles conditionnent la disponibilité des méthodes contraceptives. Au Tchad, les ménages s’approvisionnent en certaines méthodes modernes auprès des institutions médicales publiques (81,6% des pilules et 81,6% des injectables, EDS-MICS 2014-2015) et d’autres presque essentiellement auprès du secteur privé non médical tels que les boutiques, bars et marchés (55,3% des condoms masculins). Ce sont justement ces dernières méthodes qu’il convient de surveiller de près compte tenu de la contrefaçon médicamenteuse qui gagne l’Afrique en général et le Tchad en particulier.

Outre les facteurs liés directement aux méthodes de contraception, d’autres facteurs influencent fortement leur utilisation

Les facteurs socioéconomiques tels que l’âge de la femme, son niveau d’instruction (au moins secondaire) et sa participation à la force de travail ont une forte influence sur l’utilisation des méthodes contraceptives. Au Tchad, la prévalence d’utilisation des méthodes contraceptives est très faible (5,4%, EDS-MICS 2014-2015). Les méthodes modernes sont les plus utilisées (injectable 1,8%, implants 0,9% et les condoms masculins 0,7%). La prévalence d’utilisation des méthodes contraceptives augmente également avec le niveau d’instruction et elle est plus élevée en milieu urbain. Par ailleurs, si la participation à la force de travail favorise l’utilisation des méthodes contraceptives, le niveau élevé du taux de chômage chez les femmes (12,2% contre un taux général de 11,8%, ECOSIT 3) n’est guère avantageux pour le Tchad.

Les facteurs propres à la culture et au milieu de vie influencent également l’utilisation des méthodes contraceptives. Ainsi, plus la femme à le pouvoir de décision sur les soins et la santé du ménage, plus elle utilise les méthodes contraceptives (Esther O. Lamidi, 2015). De plus, le désir d’avoir une large famille pour compenser un manque des membres de ménage décédés ou pour de raison de prestige, la pression sociale, la religion et l’exposition aux médias influencent également l’utilisation des méthodes contraceptives. D’ailleurs, la recherche des raisons de non utilisation des méthodes contraceptives devrait être orientée vers ces facteurs compte tenu de la diversité culturelle et de l’histoire du Tchad.

Les facteurs liés au système de santé tels que l’accessibilité aux structures sanitaires (physique et financière) sont importants à prendre en compte dans l’étude de l’utilisation des contraceptions. Ainsi, l’utilisation de la planification familiale augmente avec le nombre d’enfants vivants (Esther O. Lamidi, 2015). La qualité des services (les dessous de table, les ruptures de stock, le nombre limité de méthodes contraceptives, le temps d’attente et l’accueil) dans les structures sanitaires peut décourager l’utilisation des méthodes contraceptives.

Azoukalné MOUKENET & Béram NGARSAÏM Espoir

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